Un article de 1957, paru dans Unasylva - Vol. 10, No. 3, de la FAO
Commentaires :
L'auteur étudie l'intérêt et la possibilité d'introduire les bambous dans les îles du pacifique. A aucun moment il se pose la question de l'impact écologique d'une telle introduction. On est bien en 1957 !
Article sans grand intérêt si ce n'est une valeur historique et que le thème des bambous dans le Pacifique est très peu abordé.
A voir si l'auteur a commencé à implnter des bambous dans nos îles....
Comme l'article est long, j'ai mis en gras les parties qui m'ont parut intéressantes...
par F. A. McCLURE
Section des introductions végétales, Département de l'agriculture des Etats-Unis¹
LES CONSÉQUENCES possibles de l'introduction de la culture du
bambou sur l'avenir économique de régions telles que les îles du
Pacifique méritent d'être soigneusement étudiées. Le bambou a une
grande importance économique pour la vie des populations qui occupent
de vastes secteurs de l'hémisphère oriental; en outre, on lui découvre
sans cesse de nouveaux usages dans l'industrie moderne: fabrication de
papier, de produits lamellés, sans compter les vastes possibilités qui
s'offrent sur le marché des Etats-Unis (actuellement très mal
approvisionné) en ce qui concerne son utilisation, sous diverses
formes, pour la finition des intérieurs, pour les travaux d'artisanat,
ou pour des palissades préfabriquées. Tout cela permet de penser que le
bambou pourrait être un moyen efficace pour améliorer l'économie des
populations des îles du Pacifique.
Le bambou occupe une place si importante parmi les moyens
d'existence des habitants de certaines régions, en particulier dans
l'Asie du Sud-Est et dans les îles qui s'y rattachent, que la plupart
d'entre eux seraient sans ressources s'ils en étaient privés. Dans de
vastes zones, le bambou est le seul matériau qui soit assez abondant et
assez peu coûteux pour satisfaire les besoins considérables en
habitations à bon marché. C'est en même temps un produit dont les
applications sont si variées que l'on en fait des centaines d'objets
utilisés constamment au foyer ou dans le travail quotidien. Il a
l'avantage de ne pas nécessiter de machines compliquées et coûteuses
pour sa récolte, son transport, ou la fabrication des milliers
d'articles qui permettent de satisfaire les besoins des populations.
L'étude des possibilités du bambou, en tant que ressource à
développer pour les populations des îles du Pacifique, nécessite que
l'on fasse appel à l'expérience acquise dans de nombreuses branches ou
disciplines et que l'on procède à des recherches nouvelles.
Le nombre et la répartition des localités où l'on entreprendra
des essais, aussi bien que la superficie totale sur laquelle ils
porteront seront déterminés par les crédits et les disponibilités en
personnel que l'on attribuera à cette entreprise. Il faudra procéder à
une étude approfondie des conditions écologiques et économiques pour
choisir les régions et les villages où l'on opérera. On devra les
considérer du point de vue des nécessités immédiates aussi bien que des
possibilités futures.
Les nécessités immédiates peuvent résulter de la terre:
conservation de l'eau et du sol, amélioration des modes d'utilisation
existants, etc. Elle peuvent aussi résulter de l'état de la population:
nécessité de créer de nouvelles sources de revenus, de nouveaux
stimulants, de nouvelles perspectives.
On doit évaluer les facteurs limitatifs. Parmi ceux-ci figurent la
nature et l'étendue des terres dont dispose un village déterminé. Il
est vraisembable que l'on constatera fréquemment des précipitations
annuelles faibles, des sols insuffisamment évolués (géologiquement
jeunes), et une forte salinité. L'un quelconque de ces facteurs est
susceptible d'exclure la possibilité de cultiver du bambou. Cependant,
il n'est pas possible de fixer jusqu'à quelle limite précise chacun
d'eux, seul ou en combinaison avec les autres, peut jouer pour empêcher
la réussite de la culture du bambou ou pour prohiber même de simples
essais.
Divers indices permettent de penser que certains bambous
supporteraient des conditions de sécheresse extrêmes, mais non
chiffrées: Dendrocalamus strictus, Bambusa vulgaris et B. ventricosa,
par exemple. On n'a pas étudié le degré de tolérance à la salinité que
chaque bambou peut manifester. Mais il est probable que l'on commencera
les essais initiaux là où les conditions paraissent au moins
favorables.
En tout premier lieu, il y aurait le plus grand intérêt à
procéder à une enquête pour déterminer l'identité, l'écologie,
l'abondance et l'utilité des bambous déjà introduits dans les îles du
Pacifique. Ces renseignements permettraient d'éviter les dépenses
inutiles que l'on ferait pour introduire des espèces intéressantes que
l'on trouve déjà localement. On pourrait acquérir une vue d'ensemble
équivalente au résultat de plusieurs années d'expérience pratique en
étudiant sur le terrain l'histoire de ces introductions, l'état actuel
de végétation de ces espèces, en même temps que la nature, l'importance
et le succès de leur utilisation sur le plan économique local. Les
chances d'améliorer les modes d'utilisation des terres et les
possibilités locales d'utilisation du bambou varieront d'une région à
l'autre.
Du point de vue des relations entre la culture du bambou et les
besoins de la terre, nous devons examiner en premier lieu la question
sous l'angle de l'utilisation des terres. En Orient, les cultivateurs
de bambous disent que, pour une espèce donnée, les propriétés
techniques et les qualités de durabilité sont en général supérieures
lorsque les bambous ont poussé sur un sol de fertilité assez médiocre.
Ils conseillent de ne pas fumer une plantation de bambous cultivés pour
la tige seulement.
Dans la culture des bambous tropicaux pour la production de
pousses comestibles, l'ameublissement du sol a plus d'importance que sa
fertilité. Les pratiques annuelles de rajeunissement des touffes et le
buttage consécutif de leur base pour étioler les jeunes pousses sont
exécutés plus facilement et de façon plus efficace si le sol n'est pas
trop lourd. On considère d'autre part que l'application en temps et en
quantités voulus des amendements préconisés en vue d'obtenir le maximum
de rendement et de qualité constitue une pratique saine et économique.
Mais il faut procéder à de nombreux essais chaque fois que l'on se
trouve en présence d'une combinaison différente de facteurs
écologiques, économiques et humains.
On a écrit très peu de choses sur les possibilités du bambou
pour stabiliser le sol et limiter le ruissellement, dans le cadre de la
conservation des sols et des eaux, ou de la stabilisation des pentes
des bassins de réception. Ces végétaux ont un ombrage dense, qui réduit
au minimum la concurrence des plantes herbacées. Les abondantes chutes
annuelles de feuilles créent une litière épaisse qui conserve
l'humidité, contribue à créer des conditions favorables à l'élaboration
d'un bon sol, ce qui favorise à son tour le développement normal des
bambous. On peut récolter les tiges sans trop remuer cette couverture
morte. Je ne connais pas d'autre catégorie de végétaux qui, tout en
fournissant une récolte annuelle, constitue, d'un bout de l'année à
l'autre, un élément protecteur efficace dans un bassin de réception.
Si l'on considère le bambou sous l'angle des besoins des
populations, il est utile d'étudier le parti que l'on peut en tirer de
deux points de vue distincts: celui des utilisations, actuelles et à
venir, par la population locale et celui des possibilités
d'exportation. Des utilisations qui ont de l'importance dans un cadre
culturel ou économique déterminé peuvent fort bien ne constituer qu'une
curiosité pour des personnes appartenant à un autre milieu. Des objets
qui n'ont aucune utilité, usage ou valeur là où ils sont fabriqués,
peuvent se vendre à des prix intéressants si on les exporte vers
d'autres régions où le bambou manque, ou bien où l'on n'a pas acquis la
technique indispensable à leur fabrication, ou encore où la
main-d'œuvre est trop chère.
Les populations insulaires vivent souvent de la pêche. En raison de
ses nombreuses possibilités d'utilisation, le bambou est susceptible de
fournir aux pêcheurs un grand nombre d'objets dont ils ont besoin. Les
Chinois l'ont démontré de façon éclatante. Si l'on recherche dans un
dictionnaire chinois, les mots qui se rapportent à la pêche, on
s'aperçoit qu'un grand nombre de ces termes complexes (idéogrammes et
pictogrammes) renferment le symbole du bambou. Cela signifie que, avant
même que leurs noms fussent pour la première fois condensés dans
l'écriture, on employait les bambous à la fabrication des engins
eux-mêmes. Mentionnons seulement quelques-uns d'entre eux: nasses,
barrages, bondes, enclos, perches pour la pêche à la ligne flottante,
gaffes, ancres flottantes, flotteurs, clayettes et perches pour faire
sécher le poisson, paniers pour le transporter, aiguilles pour
fabriquer les filets, perches pour les faire sécher, perches pour la
propulsion des bateaux, carrelets ou épuisettes, y compris les
karojals, salambas, etc. Les dragues, perches pour la propulsion des
bateaux, tamis, ancres flottantes, qui font partie, en Orient, du
matériel pour draguer les mollusques, tout cela est en bambou.
D'autres utilisations sont susceptibles de présenter de
l'intérêt pour d'autres sections de la population. On peut employer des
plants vivants de bambou, ayant un rythme de végétation convenable,
pour établir des haies, des écrans et des brise-vent. On peut utiliser
les tiges de certains bambous pour construire des maisons, des abris à
grains, des ponts, des clôtures, des parcs à bétail, des meubles et
ustensiles de ménage de toutes sortes, des gouttières et des conduites
d'eau. Le bambou fournit des harts pour la fabrication de câbles à la
fois légers et résistants et d'ouvrages de vannerie tels que paniers,
nattes, vans et clayettes. Avec des éléments plus grossiers on fait de
robustes caisses pour l'expédition des porcs, de la volaille, des
produits maraîchers. Les déchets fibreux servent au rembourrage des
oreillers et des matelas, au calfatage des bateaux, au chargement du
plâtre pour le rendre plus dur. Après traitement chimique, les fibres
fournissent de la pâte à papier ou à rayonne; on utilise les fibres
brutes pour fabriquer des cordages et des sandales. On utilise des
perches de diverses dimensions pour faire des échelles, des poteaux de
revêtement extérieur, des tuteurs pour soutenir les arbres, des manches
d'outil, des râteaux et divers outils de jardinage.
On utilise le feuillage de nombreux bambous comme une source
principale ou accessoire de fourrage et de litière pour le bétail. On
fait avec les feuilles, non encore ouvertes, une boisson
rafraîchissante, probablement riche en vitamine C. Avec les branches de
certaines espèces on fait d'excellents balais pour le balayage à
l'extérieur. Les gaines des tiges, lorsqu'elles ont des dimensions et
une contexture convenables, ont de nombreux emplois: doublure des
chapeaux de pluie et de soleil, cabanes et paniers pour le transport
des marchandises, fabrication de sandales. En Inde, on utilise le
rhizome dur et à grain régulier d'une espèce commune de Dendrocalamus pour faire des balles de polo.
A la lumière des observations ci-dessus, il serait juste et
logique de se fixer l'objectif suivant: repérer et rassembler tout un
assortiment des espèces de bambous qui promettent de prospérer ici et
là dans des conditions locales déterminées et, en même temps,
présentent des caractéristiques technologiques qui les rendent
susceptibles d'être utilisées dans l'un quelconque des très nombreux
emplois que l'on vient de citer.
Une fois qu'ils sont installés dans des conditions de milieu
favorables, les bambous ne nécessitent en général que peu ou pas de
soins, en dehors des éclaircies occasionnelles pratiquées pour
maintenir la vigueur des tiges. S'ils sont assez bien adaptés, ils ne
périront pas faute de soins, et ils seront toujours là si l'on veut
faire des expériences, les propager, et on pourra plus tard les
utiliser à de nouveaux genres d'utilisation. Il semble raisonnable de
recommander que ces collections vivantes soient étudiées dans une très
large gamme de conditions écologiques, en ayant présent à l'esprit la
double fonction de production et conservation, aussi bien que les
principes essentiels de l'utilisation des terres. Lorsque la production
aura atteint le niveau des besoins locaux, il sera peut-être
souhaitable d'entreprendre de satisfaire aussi les demandes de
l'extérieur.
(¹ Traduction d'un article paru dans l'édition anglaise du Bulletin trimestriel
de la Commission du Pacifique Sud, janvier 1956. Cette Commission est
un organisme consultatif créé en 1947 par les six gouvernements
responsables de l'administration des territoires dépendants de la
région du Pacifique Sud (Australie, Etats-Unis d'Amérique France,
Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni). La Commission a pour but de
recommander aux gouvernements membres les mesures propres à promouvoir
le bien-être des populations de ces territoires. Elle s'occupe de
questions sociales, économiques et sanitaires. Son siège est à Nouméa
(Nouvelle-Calédonie)